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LES SAINTES
Un peuple de pêcheurs
Depuis toujours, la pêche fait partie du quotidien des Saintes. Autrefois, elle se pratiquait à la rame ou à la voile. Les anciens n'ont pas oublié cette époque qu'ils racontent avec nostalgie.
On a l'habitude de dire que les Saintois sont les meilleurs pêcheurs de Guadeloupe. Il est vrai que la pêche pratiquée depuis toujours a assuré la subsistance des habitants du petit archipel.
Aux Saintes, tous les hommes pêchent: à la traîne, à la senne, à la palangre, à l'épervier ... Le poisson a longtemps constitué la principale ressource alimentaire de la population et son principal revenu. «Le poisson était la base de l'alimentation, se souvient Roger-Christian Dabriou, charpentier-pêcheur né en 1919. «On le mangeait avec du riz ou du fruit à pain. Presque tous les hommes péchaient». les lorains -.
Si aujourd'hui, l'activité se pratique avec des bateaux confortables équipés de moteurs ultra-puissants, il n'en fut pas toujours de même. Autrefois, la pêche se pratiquait à la rame et à la voile. «il fallait voir tous les jours le départ des bateaux, se souvient Alain Foy, 71 ans, charpentier de marine aujourd'hui retraité. On faisait des régates pour arriver les premiers sur les lieux de pêche. Alors, on enlevait les voiles et l'on mettait les rames. 1l y avait trois ou quatre marins à bord. Un jour, lorsque j'étais petit, nous avons pêché 80 thazards d'un coup".
Roger Christian Dabriou partage les mêmes souvenirs. «On se réveillait à 3h du matin. On partait à la voile sur le sec la Coche, à 8 km d'ici, pour chercher les casiers. En juillet ­août, il n'y avait pas de vent. Alors, on partait avec trois rameurs. On travaillait avec la lune, il faisait calme plat. Puis nous descendions à Trois-Rivières à la rame à 20 km de notre lieu de pêche pour vendre le poisson. Parfois, il fallait monter au bourg de Trois-Rivières à pied, avec nos 30 à 40 kg de poisson pendus à une rame pour espérer vendre notre pêche. À l'époque, il y avait du poisson en quantité, des tanches, des cardinaux, des vieilles. On pêchait 30 à 50 kg à chaque fois qu'on sortait. Puis on attendait le coucher du soleil pour revenir à la rame aux Saintes. Tout ça pour quelques sous. Quand on ne revendait pas, on donnait notre poisson aux pauvres malheureux. De novembre à février, la brise se levait. C'était la saison de la pêche au creux (la pêche au vivaneau) à 300 m de profondeur. À partir de février, on pêchait à la traine à la voile. Le lendemain, on allait vendre à la voile à Basse-Terre. À midi, le poisson ne valait plus rien, cétait la misère à ce moment-là. En 1950, j'ai construit moi-même même mon bateau. Le premier moteur est arrivé sur l'Île en 1960".

La pêche à l'épervier

Ne vous y trompez pas. La pêche à l'épervier ne se pratique pas comme la chasse à l'épervier, avec un rapace qui repèrerait le poisson et tel un pélican fondrait sur lui. L'épervier est un filet utilisé pour attraper des pisquettes, petits poissons servant d'appât ou préparé en friture pour les accras. Ils ne sont guère qu'une poignée aujourd'hui aux Saintes à pratiquer ce genre de pêche et encore moins à fabriquer ce fameux filet rond en fil de nylon que l'on lance en suivant le vent.
Yves Joyeux, pêcheur professionnel, est l'un de ceux qui maîtrise le mieux cette technique; il a d'ailleurs remporté, il y a deux ans, le concours de lancer à l'épervier. «J'ai commencé mon apprentissage dès "âge de 15 ans", raconte-t-il. Le secret du lancer d'épervier? L'équilibre! Joignant le geste à la parole, le pêcheur saisit dans sa bouche l'un des nombreux plombs qui lestent le filet de 7 kg, puis il répartit au jugé les mailles du filet de chaque côté du plomb. Lorsque l'équilibre semble atteint, le filet lancé dans les airs se déploie avant de tomber dans l'eau, prenant au piège les poissons frétillants. Un coup de filet peut ramener 20 à 30 kg de poisson d'un coup.

Les nasses traditionnelles

Samedi matin, plage du bourg. Les équipes de pêcheurs qui participent au concours de montage des nasses s'activent. Les doigts agiles coupent avec dextérité, tordent, plient, de petits bouts de fil barbelé promptement attachés aux bambous qui constituent l'armature des casiers. Roger-Christian Dabriou lui, n'a pas oublié la technique, tellement il en fabriqué des nasses! Mais à l'époque, il allait chercher le bambou dans la mangrove de Jarry et coupait les merisiers des Saintes. Les nasses étaient tressées avec des lianes.

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